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Bilan des connaissances sur le vieillissement du chien - Annexe
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Génétique
& Vieillissement
(2) Aspects Théoriques et Mécanismes de la Sénescence
Dr. Jacques TRÉTON
DEA National de Biologie du Vieillissement - Association Claude Bernard
INSERM U. 450 – Institut des Cordeliers F-75006 – Paris
Tel 01 40 46 78 68 - Ecrire
CAPACITE DE GERONTOLOGIE FRANCILIENNES Année 2001-2002
1) Le Vieillissement = 3 processus
Le vieillissement
concerne trois processus du vivant. Tout d’abord, il comprend la
création d’un
programme de vie lors de la fertilisation qui se poursuit par la phase
de développement. Puis la phase de maturité qui permet à
l’organisme de se reproduire. Et enfin la phase de sénescence
qui s’achève par la mort de l’organisme. La durée
du programme de vie est caractérisée par la longévité.
Formellement, on peut se poser plusieurs questions qui ont donné
naissance à de nouvelles disciplines.
La Sénescence est-elle Universelle?
C’est la Biologie Comparée de la Sénescence qui permet
de répondre à cette question.
Quelle est sa Cause fondamentale ?
C’est la Gérontologie qui essaie d’apporter des réponses
à ce problème théorique et
d’analyser les mécanismes de la Sénescence.
Comment se manifeste-t-elle ?
C’est la Gériatrie qui se propose, connaissant les mécanismes
de la Sénescence, de développer les approches thérapeutiques
pour modifier ou ralentir son cours. L’ensemble de ces disciplines
constitue le corpus de la Biologie du Vieillissement.
2) La Biologie
du Vieillissement montre qu’il existe trois Sénescences
De nombreuses données
ont permis à la Biologie comparée de la sénescence
d’apporté une vision
globale et nouvelle de la question en particulier avec l’École
française sous l’influence du professeur Bourlière
(1), (2). A la suite de C. Finch (3) qui s’appuie sur les données
de la Biologie Comparée de la Sénescence, on distingue trois
types de sénescence qui correspondent à une stratégie
de survie spécifique de l’espèce. Le premier type
est celui d’une sénescence rapide qui agit en quelques jours.
Ce type d’animaux est caractérisé par une reproduction
unique (uniparité) qui est déclenchée par des facteurs
exogènes ; elle est suivie souvent d’aphagie et d’une
involution rapide de certaines organes au profit de la reproduction. L’exemple
en est le Saumon du Pacifique.
Le deuxième type est celui d’une sénescence graduelle
sur plusieurs mois ou années.
Ce type d’animaux est caractérisé par plusieurs phases
de reproductions (itéroparité) suivit d’un déclin
graduel de la fertilité. Les deux exemples en sont les mammifères
et les aviaires.
Le troisième type est la sénescence négligeable même
après de nombreuses années. Ce type d’animaux est
caractérisé également par plusieurs phases de reproduction
(itéroparité) avec croissance de la fertilité. L’exemple
en en est la tortue (4).
3) Rôle des
Théories
Il est possible de
trouver des théories du vieillissement dès l’Antiquité.
L’homme a toujours essayé d’expliquer ce phénomène.
Aussi trouve t-on de très nombreuses théories, qu’il
est assez difficile de classer.
Medvedev (5) en trouve 300 catégories. Actuellement ces théories
n’ont d’intérêt que si elles permettent de pouvoir
être analysées expérimentalement. On les classe en
tenant compte parfois d’un niveau biologique particulier : moléculaire,
cellulaire, tissulaire, organique ; plus classiquement on oppose les théories
stochastiques à celles reposant sur des hypothèse de programmation
génétique. Actuellement le débat est plutôt
entre les théories physiologiques s’opposant aux théories
reposant sur des mécanismes liés aux processus de l’Évolution.
4) Théories
physiologiques de la Sénescence
Les Théories
physiologiques de la Sénescence sont nombreuses et parfois assez
anciennes. Bien souvent elles représentent une approche réductionniste
reposant sur un seul mécanisme. La sénescence est considérée
comme un processus d’usure inévitable (H. Weissman6 1881,
R. Pearl (7) 1928, A. Comfort (8) 1979).
Le mécanisme s’intéresse aux effets. Il est indépendant
du mode de reproduction. L’organisme «sénesce»
par empoisonnement lié à une accumulation de métabolites
produits par le métabolisme (Théorie du niveau de vie de
Pearl, 1932) ou les agressions liées aux espèces activées
de l’oxygène qui provoquent des réactions en chaînes
par des radicaux libres qui endommagent les structures du vivant comme
les lipides, protéines, glucides et surtout l’ADN (D. Harman
(9), (10), 1953). Ces théories s’appuient sur de nombreuses
expériences dont des corrélations : négative entre
le métabolisme la longévité, ou positive entre la
taille (corps, ou cerveau), la SOD et la longévité maximale
des espèces de mammifères.
Également sur des expériences de McCay (11) (1935) sur la
restriction calorique qui ralentissent le métabolisme et augmente
d’un tiers la longévité des rongeurs en restriction
calorique sans malnutrition. Le mécanisme proposé repose
sur les radicaux libres. Ces théories n’expliquent pas pourquoi
certaines espèces d’animaux développent un mode de
reproduction unipare avec une sénescence accélérée.
De plus elles n’expliquent pas les corrélations imparfaites
tel que la différence de longévité entre la souris
et la chauve-souris qui ont la même taille et devrait avoir un métabolisme
équivalent et de ce fait une longévité identique.
De façon identique, les oiseaux ont en général un
métabolisme supérieur aux mammifères, donc plus de
risque de générer des radicaux libres, or, à poids
égal les aviaires vivent beaucoup plus long temps qu’eux.
5) La Théorie
Évolutionniste de la Sénescence
C’est Rose
(12), (13) en 1991 qui le premier a fondé solidement l’étude
du vieillissement dans une perspective évolutionniste comme moyen
d’explorer le mécanisme qui cause le vieillissement. Les
théories Évolutionniste de la Sénescence assument
implicitement que les populations sont structurées par âge
et que celles qui ne le seraient pas ne pourraient pas connaître
la sénescence (14), (15). Ces théories permettraient d’expliquer
l’apparition de la sénescence dans certains phylums comme
une réponse aux crises que les espèces ont éprouvées
dans leur histoire au cours de l’Évolution. Deux types de
famille de théories ont été avancées. Premièrement
celles qui sont adaptatives où la sénescence serait bénéfique
et serait gardée par la sélection naturelle (Weismann (16),1881)
parce que ce trait permettrait de limiter la surpopulation, accélèrerait
le renouvellement des générations, augmenterait rapidement
la variabilité génétique. Mais aucune démonstration
expérimentale n’a pu être apporté concernant
cette théorie. De nombreux contre arguments ont été
avancés en particulier le fait qu’il n’existe pas de
vieux animaux dans le «monde naturel» (sauf dans les zoos)
cela rendant toute sélection possible. De plus le bénéfice
du trait «groupe vieux» ne l’est que pour une population
or ce trait est plutôt délétère pour l’individu
qui n’a personnellement aucun intérêt à disparaître
(Gènes Altruistes ?). La seconde famille de théorie est
non –adaptative pour la sénescence. Elle considère
que c’est la longévité, trait qui fait l’objet
d’une sélection naturelle, qui varie au cours de l’Evolution
ce qui indirectement ferait changer la sénescence. Ce fait est
capital puisqu’il a fait basculer la recherche de la génétique
de la sénescence vers la génétique de la longévité.
C’est Luckinbill (17) et Rose (18) en 1984 qui ont apporté
les premières démonstrations concernant cette théorie.
6) Les principales
prédictions de cette théorie évolutionniste de la
sénescence
Cette théorie
permet de prévoir au moins trois types de gènes différents
impliqués dans la sénescence.
Les travaux pionnier de Haldane (19) en 1941 sur la Chorée de Huntington
et ceux de Medawar (20) en 1952 ont permis de suggérer que parce
que certains organismes meurent jeune, il y a peu de force de sélection
pour s’opposer à l’accumulation dans le génome
de mutations avec des effets délétères tardifs. Les
tentatives pour identifier ces gènes délétères
tardifs comme contribuant au vieillissement n’ont par encore permis
d’en identifier un plus précisément. Une seconde perspective
théorique a été ouverte par Williams (21) en 1957.
Il a suggéré que des gènes avec un effet bénéfique
précoce pourraient être favorisé par la sélection
même si ces gènes avaient plus tardivement un effet contraire.
Ce concept de gènes pleïotropiques antagonistes commence à
être étudié aussi bien au niveau de l’attractivité
sexuelle et la survie de poisson (22), que des effets néoplasique
sur la sénescence réplicative (23), (24),ou sur les testicules
de l’homme et du chien (25). Un troisième type de gènes
a été impliqué dans le vieillissement par la théorie
du Soma jetable de Kirkwood (26) en 1979. Ces génes seraient impliqués
dans la maintenance du soma et ainsi responsable de sa longévité.
La ménopause - la cessation universelle de la fertilité
de la femme vers la cinquantaine - pose une question évolutive
intrigante. Pourquoi une femme cesse-t-elle de se reproduire à
un âge bien plus précoce que son potentiel de vie biologique.
Une nouvelle perspective évolutionniste a été montrée
par Steve Austad (27) en 1994. La ménopause a été
considérée comme une adaptation permettant l’augmentation
de «l’investissement maternel» à sa progéniture.
La théorie c’est focalisée dans un premier temps sur
le rôle de la grand-mère28 libéré du fardeau
reproductif pouvant s’investir mieux dans l’aide de ses petits-enfants.
Cet avantage adaptatif n’a pas été retrouvé
chez les lions ou les babouins (29), (30). Certains travaux sembleraient
impliquer plutôt la mère que la grand-mère (31). La
ménopause que l’on pensait limité la femme a été
retrouvé dans d’autre espèce quand on la recherche
et en particulier chez la baleine (32) et l’éléphant
(33).
7) Premiers résultats
des recherches
Dans cette nouvelle
perspective, l’objectif principal est celui de la durée de
vie de l’organisme considéré. Cette démarche
ouvre un nouvel horizon à la recherche. La question posée
devient celle de la base biologique de la maintenance de la vie, plutôt
que celle des facteurs héréditaires contribuant aux maladies
(34), (35), (36). Les premiers de recherche des mutants de Longévité
a permis de faire décoller les données de génétique
dans ce domaine. En raison des facilités techniques ils ont été
principalement étudié chez les modèles des invertébrés
: le ver nématode (Cenorhabditis elegans), la mouche à
vinaigre (Drosophila melanogaster) et la levure boulangère
(Saccharomyces cerevisiae) (37), (38). Ces premiers travaux montrent
que gènes déterminent la Longévité seraient
apparemment des traits polygéniques. Les processus assurant la
Longévité repose sur au moins quatre types de gènes
impliqués :
- 1) dans la réponse métabolique de la cellule,
- 2) de la réponse aux agressions,
- 3) de l’intégrité de la régulation génique
et
- 4) de la stabilité génique.
8) Le stress lié
aux radicaux oxydés
De nombreux résultats
reposant sur des expériences faites sur des animaux transgéniques
pour des gènes codant pour des antioxydants ont permis de démontrer
le lien entre les dommages oxydatif et le vieillissement. Ainsi chez D.
melanogaster la sur expression de la SOD Cu/Zn et de la catalase vivent
34 % plus longtemps que les contrôles (39). Des travaux récents
montrent que l’expression de la SOD1 humaine dans les motoneurones
augmente de 40 % la durée de vie de la drosophile (40). Mais cela
ne semble pas si clair que cela car des souris génétiquement
invalidées pour la glutathion peroxydase GPX1, la SOD1, SOD2, ou
SOD3 ne montrent pas un phénotype de vieillissement rapide. Chez
les souris génétiquement invalidées pour la SOD2,
la mort intervient à 8 jours par un arrêt cardiaque. Chez
le ver nématode, C. elegans, les mutants age-1 vivent le plus longtemps,
deux fois plus que le type sauvage et ont des taux augmentés de
SOD et de catalase (41). Les mutants de longévité ont plus
de résistance au stress oxydatif ; ils ont plus de protéines
de choc thermique et plus de résistance aux radiations UV. Le mutant
de longévité mathuselah de la Drosophile est lui aussi résistant
au stress oxydatif, aux hautes températures et aux privations (42).
Les rythmes biologiques de C. elegans ont été étudiés.
Il a pu être établi que des mutations du gène clock
(clk-1) ont un développement et un comportement rythmique ralenti,
ainsi qu’une durée de vie allongée. Il est intéressant
de noter que clk-1 est un homologue du gène CAT5 de la levure impliqué
dans la synthèse du coenzyme Q, un des composants de la chaîne
du transport d’électron de la mitochondrie. Or le mutant
clk-1 contient des niveaux réduits de coenzyme Q suggérant
que tous les phénotypes de clk-1, incluant la longévité,
peut être attribuable à un ralentissement du métabolisme.
D’autre part, il faut noter que ces liens génétiques
entre le vieillissement et les dommages oxydatifs sont trouvés
dans des animaux dont la plupart de cellules ne se divisent plus (post-mitotiques).
Il est clair que les cellules post-mitotiques sont plus susceptibles aux
radicaux libres du fait de leur non renouvellement.
Ce qui explique que chez les mammifères, les organes les plus vulnérables
soient le cerveau, le cœur et les muscles squelettiques.
9) Contrôles de l’instabilité de l’ADN
Depuis longtemps,
on connaît l'instabilité du génome par l’observation
et l'accumulation de
changements génomiques : mutations ponctuelles, perte de séquence
d'ADN (ADNr), réarrangements,
changement dans le nombre de chromosomes. Mais ces changements génomiques
interviennent avec une
faible fréquence, même chez des sujets âgés,
ceci jette un doute sur leur importance quant au vieillissement. Seul
actuellement le problème des télomères pose encore
question.
A) ADN ribosomal
de la levure
Un lien causal entre
l’instabilité génomique et le vieillissement a pu
être montré chez la levure. Dans ce modèle cellulaire,
la division y est asymétrique et donne naissance à une grande
cellule mère et une petite cellule fille. Le vieillissement se
manifeste par deux phénomènes : le nombre limité
de division cellulaire et par des changements de phénotype de la
cellule mère avant de commencer la phase de sénescence.
De récents travaux montrent que des changements de l’ADN
des zones ribosomales (ADNr), modifient le rythme du vieillissement de
ces cellules mères. Ce processus est génétiquement
contrôlé par SIR4. Ce gène induit l'atténuation
des télomères et du loci de la reproduction (HML et HMR).
Des mutations de type perte de fonction raccourcissent la durée
de vie, alors que des mutations de type gain de fonction augmentent la
longévité. Ce dernier mutant provoque la re-localisation
du complexe SIR des télomères vers le nucléole. La
conséquence de cette re-localisation est le démasquage du
locus HM provoquant
l’expression d’un gène d’accouplement particulier
et d’un phénotype de stérilité lié à
l’âge.
B) Une enzyme de l’ADN lié au Syndrome de Werner
Grâce aux études
faites sur le syndrome de Werner, un autre lien entre le vieillissement
et le nucléole a pu être établi. En particulier la
mise en évidence d’une mutation WRN de type perte de fonction
dans un seul gène. Cette maladie appartient à une des classes
de progeria humaine. Ces maladies héréditaires sont caractérisées
par une durée de vie plus courte et un ensemble de changements
prématurés qui ressemble au vieillissement. Ici le lien
entre longévité accrue et implication de ce gène
dans le vieillissement est clair. Par contre le lien entre vieillissement
normal et ce gène muté est moins certain. Le gène
WRN a été cloné et il code pour une hélicase
à ADN de la famille de Rec Q.
Un autre membre de cette famille est le gène BLM que l'on trouve
chez les patients atteint du syndrome de
Bloom ; on trouve également chez la levure un membre de cette famille,
le gène SGS1. Ce dernier cause un vieillissement prématuré
chez cet organisme (43). Les protéines sgs1 et wrn sont concentrées
dans le nucléole de la levure et des cellules humaines. Ceci renforce
la possibilité que l’instabilité de l’ADNr soit
une composante critique du vieillissement. L’hélicase BLM
peut dissocier de l’ADN quadruplexe. L’absence de ces hélicases
favoriserait les processus de recombinaison à partir des fourches
de réplications créées dans l’ADN. Il semble
qu’il soit encore prématuré pour permettre clairement
de caractériser un modèle de changement de l’ADNr
pouvant jouer un rôle dans cette régulation.
C) Régulation
des extrémités de l’ADN : les télomères
Les cellules somatiques
normales accomplissent un nombre défini de divisions, et donc ont
une capacité limitée à proliférer. Les télomères
humains, de longues répétitions d’ADN TTAGGG aux extrémités
des chromosomes, sont considérés comme des marqueurs d’une
horloge moléculaire. Le raccourcissement des télomères
(44) progressif et graduel à chaque cycle réplicatif est
associé, par l’activation des voies pRB et p53 et l’instabilité
génomique, à la sénescence réplicative, se
terminant par un état de non-division et de mort cellulaire. Il
est possible que les cellules sénescentes s'accumulent focalement
in vivo et que leurs physiologies altérées interfèrent
avec les tissus dans lesquels elles résident. Par exemple, une
sécrétion élevée de métalloprotéases
par des fibroblastes sénescents peut dégrader le collagène
dermique45. Des données récentes en faveur du rôle
de la sénescence réplicative dans le processus du vieillissement
humain se sont accumulées :
1) une corrélation faible entre la durée de vie in vitro
replicative et l'âge du donneur,
2) une corrélation entre la durée de vie in vitro et la
durée de vie maximum inter-espèces,
3) une diminution de la durée de vie in vitro réplicative
chez des sujets atteint de syndromes de vieillissement précoce.
Par contre d'autres travaux sont en contradiction avec cette idée
que les télomères raccourcissent lors
du vieillissement. Tout d’abord, une étude transversale et
longitudinale récente obtenue à partir de l'enquête
de Baltimore indique que si le statut de santé et les conditions
de biopsies du donneur sont contrôlés, il n'y a pas de corrélation
significative entre l'âge du donneur et la durée de vie réplicative
des fibroblastes en culture (46). Ensuite, la corrélation inter-espèces
peut aussi être également expliquée par une corrélation
avec la taille de l'animal. Troisièmement, la durée réplicative
des syndromes progéroides n’est pas homogène et leurs
cellules meurent avant que leurs télomères n'aient beaucoup
raccourci (ex S. Werner). Enfin, l’accumulation de cellules sénescentes
qui expriment un b-galactosidase de bas pH. D’autres faits sont
encore mal compris chez certaines espèces d’animaux. Ainsi
la souris a des télomères particulièrement longs
pour une durée de vie assez courte. La situation liée au
clonage d’animaux n’est pas encore parfaitement résolue
quant à la longueur des télomères entre les parents
et les enfants (47).
D) L’ADN de la mitochondrie
Un haut niveau d'espèces
réactives de l'oxygène et de radicaux libres sont libérés
par la chaîne respiratoire mitochondrial. L'ADN mitochondrial est
ainsi exposé à ce stress. Or, son ADN est beaucoup plus
vulnérable aux dommages oxydatifs et aux mutations que l'ADN nucléaire.
De nombreuses mutations ont été observées (48), en
particulier les délétions 4977 pb et 7436 pb, les mutations
ponctuelles A3243G et A8344G. Ces altérations du génome
augmentent exponentiellement avec l'âge dans les muscles ou les
autres tissus humains. Ces mutations se produisent à un niveau
assez bas (<5 %). Elles sont associées à des myopathies
et des encéphalo-myopathies. Les mutants de l'ADNmt coexistent
avec l'ADNmt sauvage dans les tissus (hétéroplasmie). Habituellement
la sévérité clinique d'une maladie est corrélée
avec la proportion de l'ADNmt muté dans le tissu cible (usuellement>
80 %). Le seuil de l'ADNmt mutant qui est requis pour produire les symptômes
cliniques varie avec les différentes mutations. A un même
niveau, les délétions à grande échelle causent
habituellement des pathologies plus sévères que ne le font
les mutations ponctuelles. Le type de mutation et la demande énergétique
des tissus atteints sont des facteurs importants pour déterminer
les conséquences de la mutation. D’autre part, si les mutations
de l’ADNmt s’accumulent et contribuent au vieillissement,
elles n’en sont pas la cause primaire. Ainsi dans C. elegans age-1
qui code pour une PI-3 kinase qui confère une délétion
de l’ADNmt est malgré tout associé à un phénotype
de longévité.
Ces résultats suggèrent que les délétions
mitochondriales se produisent en aval d’autres évènements
du
vieillissement qui sont plus directement impliqués par la mutation
age-1.
10) Les Programmes
du Génome
A) Génome et Environnement
Une réponse
génétiquement programmée peut allonger la durée
de vie et conduire à des changements graduels de phénotype,
comme l’a montré ci-dessus le complexe SIR. Chez les invertébrés,
il existe des formes de résistance quand l’environnement
devient particulièrement délétère. Chez le
ver nématode C. elegans cette forme s’appelle dauer. Il existe
chez ce ver des voies de développements alternatifs dépendant
premièrement de la concentration d’une phéromone indicatrice
des stress environnementaux, comme la privation, la surpopulation, de
hautes températures. Dans l’état de dauer, les vers
arrivent à vivre plus de six mois alors que dans un environnement
normal, ils ne vivent que quelques semaines. Le clonage de ces gènes
daf (daf-2 défectif de la forme dauer ; daf-2 et age-1 mutants
constitutifs) a permis de découvrir de nouvelles voies de signalisation
pour régler le développement du dauer. Daf-2 code pour un
récepteur insuline-like. Age-1 est un homologue de PI-3 kinase.
Daf-16 est un membre de la famille à 3 têtes des facteurs
nucléaires de transcription (agit négativement sur la cascade
de PI-3 kinase.)
L’allongement de la durée de vie peut être en partie
due à l’activation d’un large éventail de défenses
cellulaires chez l’adulte qui combattent le stress oxydatif et autres
dommages. Un rôle pivot a été attribué à
certains gènes de levure. Ces gènes fonctionnent comme des
intégrateurs centraux entre la croissance cellulaire et la division
cellulaire. Ils agissent comme un senseur des nutriments. Le fait que
ces voies du développement puissent manipuler la durée de
vie du vers adulte suggèrent que les programmes génétiques
puissent réguler le rythme du vieillissement de façon plus
générale.
B) Rôle
du Polymorphisme dans la longévité
La réponse
anticorps, un trait polygénique, chez la souris a été
montrée par Covelli et coll (49) être corrélée
à la longévité. Une très basse fréquence
de HLA-DRw9 et une augmentation de la fréquence de DR1 ont été
montrées chez des sujets japonais âgés de 90 ans et
plus par Takada et coll (50). Une haute fréquence de DRw9 et une
basse fréquence de DR1 ont été associées à
des maladies à déficience immunitaire. L'apolipoprotéine
E (ApoE) et l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACE) ont été
associées à la longévité humaine. Schächter
a montré quee l’Apo E4 est associée à une espérance
de vie courte. Parce que l'iso-forme E4 de ApoE est corrélé
avec une plus grande susceptibilité aux maladies coronariennes
et d'Alzheimer, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi la présence
de ApoE4 est associée à une espérance de vie plus
courte. La haute fréquence de ApoE2 chez les longévites
est inattendue eu égard à ses effets hypertriglycéridémiques.
Une forme du polymorphisme du gène ACE (DD) qui a été
identifiée comme facteur de risque pour les maladies myocardiaques
a été associée à l'augmentation de la longévité
dans l'étude des centenaires de Schächter. Cette affirmation
semble avoir été remise en cause récemment car reposant
sur un assemblage géographiquement hétérogène
des groupes de centenaires (51). Une nouvelle hypothèse52 a été
avancée pour expliquer ce phénomène par une mutation
qui exercerait à la fois des effets négatifs et positifs.
Le polymorphisme du gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine
(ACE) qui agit par insertion-délétion (I/D) a un effet sur
la taille du cœur. L'allèle D est lié à un "gros"
cœur, comparé avec l'allèle I comme cela a été
montré chez un modèle de fratrie modifiée. Cet effet
délétère potentiel est contrebalancé par une
association de l'allèle D avec une plus grande variabilité
du rythme cardiaque, qui a des effets potentiellement bénéfiques.
Ces travaux ont été tirés des observations d'une
cohorte d'octogénaires allemands où l'allèle D est
représenté à très haute fréquence.
Plusieurs loci ont été associés à de très
rares syndromes de vieillissement prématuré chez l'humain.
Le syndrome de Cockaine, une maladie autosomique récessive, est
caractérisé par une croissance retardée, des anomalies
squelettiques et rétinienne, une dégénérescence
neurologique progressive, une photo sensibilité et une apparence
de sénilité précoce. Ce syndrome serait provoqué
par une mutation d'un seul gène (ERCC-6 ou ERCC-3) qui joue un
rôle dans un stage précoce en retirant une large gamme de
lésions induites par les UV. Un autre syndrome, ataxia telangiectasia,
est un désordre récessif autosomique dont les caractères
comprennent une ataxie cérébelleuse progressive, des telangectasies,
spécialement sur la conjonctive, une infection sinopulmonaire;
grisonnement
prématuré des cheveux ; une grande facilité à
développer des tumeurs ; une intolérance au glucose. Cette
maladie est provoquée par une mutation dans le gène ATM
qui code pour la PI-3 kinase. Il faut noter qu'un homologue de ce gène
chez la levure, le gène TEL1 est impliqué dans la maintenance
des télomères.
11) Mort cellulaire
du vieillissement
Quels sont les rapports
entre la mort cellulaire et le vieillissement ? La mort de la cellule,
soit apoptotique ou nécrotique, peut être contrôlée
par la mitochondrie. Les modifications mitochondriales contribuent-elles
à la mort cellulaire ? Les changements liés à l’âge
dans la mitochondrie peuvent-ils activer les mécanismes conduisant
à la mort cellulaire ? Actuellement, aucun résultat génétique
ne supporte un rôle pour la mort cellulaire dans le vieillissement.
L’invalidation génique de Bcl2 ne provoque pas de phénotype
sénescent. Cependant, il existe des corrélations montrant
que la mort des cellules est importante dans certains aspects du vieillissement.
Des travaux ont montré récemment qu'un tiers des myocytes
cardiaques ventriculaires est perdu pendant le vieillissement humain.
Des maladies neuro-dégénératives comme la maladie
d’Alzheimer s’accompagnent par une perte intensive de neurones.
Par ailleurs, la perte des neurones avec le vieillissement normal n’est
peut-être pas aussi intense qu’on le pensait. Il reste à
démontrer si des interventions géniques ou pharmacologiques
peuvent inhiber la mort cellulaire, ralentissent la perte des myocytes
cardiaques ou neuronaux et pourraient avoir un effet bénéfique
sur la fonction de ces organes. Un autre aspect de la mort cellulaire
a été de considérer que l’inaptitude à
entrer en apoptose peut contribuer au vieillissement et aux maladies du
vieillissement. Les fibroblastes sénescents sont résistants
à l’apoptose, en particulier par leur incapacité à
diminuer bcl2 et ceci pourrait permettre d’accumuler les cellules
sénescentes in vivo avec des conséquences délétères
(cellules précancéreuses). Des études préliminaires
doivent être envisagées avant que la contribution de la mort
cellulaire puisse être correctement évoquée.
12) Contrôle
systémique du vieillissement
Nous avons pu constater
ci-dessus que des mécanismes au niveau cellulaire, il est suggéré
que des
contrôles systémiques du vieillissement puissent agir. Sous
cet aspect, les facteurs humoraux pourraient
coordonner le rythme du vieillissement dans beaucoup de tissus et d’organes.
Le ver nématode montre avec sa mutation avec daf-2 que cette régulation
n’est pas limitée au niveau cellulaire. Chez la mouche, il
a été montré que methuselah est homologue aux gènes
codant pour des récepteurs trans-membranaires liés aux protéines
G. Ceci soulève la possibilité qu’ils puissent jouer
un rôle dans la transduction des signaux de vieillissement systémique
(53). Existe-t-il des facteurs systémique chez les mammifères
? Un argument génétique d’un tel rôle a été
proposé par le gène Klotho de souris. Qui code pour un facteur
humoral. Les mutants klotho ont une vie raccourcie et développent
plusieurs pathologies qui doivent avoir quelques relations avec le vieillissement.
Chez l’homme, les œstrogènes diminuent rapidement à
la ménopause et l’apport en estrogènes a montré
qu’ils pouvaient ralentir des processus dégénératifs,
incluant atrophie dermique, ostéoporose, artériosclérose
déclin cognitif. Par ailleurs des études récentes
suggèrent que le taux de mortalité diminue chez les femmes
postménopausées recevant un supplément hormonal.
D’autres facteurs endocriniens, incluant l’hormone de croissance
(HC), la testostérone, le DHEA-S déclinent graduellement
avec l’âge. Des supplémentations, à court terme,
avec l’HC ont permis d’augmenter la masse musculaire, l’épaisseur
de la peau et la densité osseuse.
Conclusion
Ces nouvelles approches
théoriques liées à l’hypothèse Evolutionniste
ont permis d’orienter la
recherche des mécanismes de la sénescence sur des bases
plus solides. La découverte des mutants de longévité
a’apporté un nouveau regard sur les mécanismes et
gènes du vieillissement. Elle permet une approche sur des bases
biologiques beaucoup plus universelles. Une nouvelle ère, plus
fructueuse, commence pour la connaissance de la Biologie du Vieillissement.
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