Bilan des connaissances sur le vieillissement du chien : Gérard MULLER - Les Jeudis de Zoopsy 2004 - Paris
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Pour
ne pas vieillir il faut mourir jeune. Comme tous les processus qui concernent
le vivant, le vieillissement est la traduction, pour un individu donné,
des altérations fonctionnelles et morphologiques qui se produisent
au niveau cellulaire. Dans la cellule elle même il faut sans doute
imaginer que les altérations sont les conséquences de l'apparition
de molécules de plus en plus anormales et d'un glissement lent
et inexorable au sein des mécanismes cellulaires et moléculaires.
Ce cheminement vers l'infiniment petit, ne doit pas nous laisser oublier
que, probablement il existe une possibilité de cheminement inverse
qui nous permet d'imaginer le vieillissement des espèces, lui même
inscrit dans l'évolution de systèmes plus larges qui se
perdent dans l'autre infini tel que le définit Pascal (Pensées)
Il existe un paradoxe
dans ce processus de vieillissement qui correspond à une dégradation
normale qui semble d'ailleurs parfaitement programmée dans nos
gènes. Dès lors, parler de maladie liées au vieillissement
est sans doute un abus de langage voire une erreur philosophique. S'il
s'agit d'affection en effet, la médecine devrait nous permettre
d'espérer une guérison et nous savons bien que quels que
soient les progrès de la sciences, nous finirons tous par périr.
Notre seul pouvoir serait d'essayer de vivre heureux, ce qui nous laisse
d'ailleurs bien du travail. "Les hommes meurent et ne vivent pas
heureux" (Camus, Le Caligula).
Ces considérations
philosophiques, hors sujet, ne doivent pas être négligées.
Elles nous rappellent clairement l'inaccessibilité de notre objectif
et la fatuité de nos projets.
Notre erreur de principe consiste sans doute en l'abord trop individuel
du problème alors que l'organisation globale du vivant semble d'avantage
orientée vers l'espèce, voire plus largement vers la réalisation
d'une évolution dont le terme final est peut être bien au
delà de ce que nous sommes capables d'imaginer. (Une vision large
du vieillissement est donnée dans le cours du Dr. Treton, annexe
1). Pour une bonne partie de la communauté scientifique, la mort
et le vieillissement ne doivent être considérés que
comme des épiphénomènes sans finalité, consécutifs
à d'autres "choix" de l'évolution : " L'ADN
ne s'en soucie pas et ne sait rien. Il est tout simplement. Dansons sur
sa musique" (R Dawkins)
C'est dans ce cadre
prédéfini et avec toute la modestie qui convient, que nous
pouvons tenter le bilan des connaissances sur le vieillissement cérébral
du chien. Deux moteurs vont nous animer :
- La médecine
animale et ses objectifs habituels qui sont, le bien être animal
et la prolongation dans le confort de la vie de nos compagnons,
- L'étude
à travers le vieillissement de nos animaux, de notre propre vieillissement;
la dégradation de nos fonctions cérébrales restant
à ce jour un sujet de préoccupation médicale important.
Clairement nous devons
distinguer deux types de démarches :
Une démarche
clinique qui décrit le comportement et ses altérations consécutives
au vieillissement. A cette première démarche sont liés
la thérapie et l'abord systémique de ce processus.
Une deuxième
démarche neurophysiologique voire moléculaire qui nous permet
de modéliser le vieillissement et à laquelle est liée
la prévention et la chimiothérapie de ce processus.
Clinique du vieillissement chez les carnivores domestiques
Trois types de dysfonctionnement
cérébral doivent être distingués en clinique,
même si ces trois catégories sont liées intimement
en n'en forment en réalité qu'une seule:
Des troubles liés à des atteintes macroscopiques du cerveau,
des dysfonctionnements cognitifs fins et des troubles de l'humeur. De
façon annexe, il faut aussi décrire des dysfonctionnements
endocriniens qui compliquent la clinique précédente.
Clinique des atteintes mécanique du cerveau
Dans ce chapitre sont
évoquées les conséquences cliniques des tumeurs,
des accidents vasculaires et des dégénérescences
massives.
Deux caractéristiques
cliniques vont permettre de suspecter une atteinte massive du cerveau
:
- La soudaineté
dans l'apparition,
- L'incohérence
comportementale.
Brutalité
symptomatologique
Le vieillissement
normal est un processus lent, global (pour l'organisme) et assez prévisible.
L'apparition soudaine de comportements anormaux n'est pas décrite
dans une affection comportementale particulière. Quand le changement
est brutal il est possible d'imaginer qu'il correspond au dysfonctionnement
d'un groupe de neurones ou de cellules qui fonctionnaient normalement
quelques jours plus tôt. Ce dysfonctionnement peut correspondre
à une compression (tumorale) ou un défaut de nutrition (AVC
accident vasculaire cérébral, AIT accident ischémique
transitoire) ou involution massive d'une zone (AVC, AIT).
Il ne faut pas confondre
la soudaineté d'apparition des symptômes avec la soudaineté
de la demande des propriétaires. En effet il n'est pas rare que
des propriétaires supportent longtemps un dysfonctionnement relatif
et rejettent catégoriquement une très légère
augmentation de ce dysfonctionnement parce que justement ils en supportent
déjà les conséquences depuis longtemps. Ce revirement
dans les exigences peut singer une symptomatologie brutale mais ne doit
pas tromper le clinicien averti.
De la même
façon, certaines affections évoluent par étapes.
Par exemple un chien qui grogne finira par mordre et même si cette
morsure est nouvelle pour le propriétaire, elle est annoncée
pour le clinicien. Notre modèle français est justement performant
à cet égard et nous permet de replacer chaque symptôme
au sein d'une entité nosographique cohérente. La bonne connaissance
de la sémiologie clinique nous permet de ne pas considérer
comme soudain un symptôme qui s'inscrit dans l'évolution
normale d'une affection.
Attention néanmoins
à l'effet de seuil qui existe semble t-il. Notamment attention
aux dysendocrinies dont la symptomatologie n'est pas toujours progressive.
Les troubles du sommeil sont en effet d'apparition assez brutale chez
l'hypothyroïdien.
Incohérence
comportementale
Ce que je veux décrire
derrière ce terme est l'existence d'un comportement plus ou moins
pathologique mais qui ne s'inscrit dans aucune logique pathologique. Nous
avons décrit le vieillissement comme un processus progressif et
global et il est donc certain qu'il engendre un tableau lésionnel
repérable et connu. L'apparition d'un symptôme précis
de dysfonctionnement au sein d'un appareil qui par ailleurs ne présente
aucune anomalie, laisse penser qu'il existe une lésion focale précise.
Cet élément est d'ailleurs plus favorable à l'approche
symboliste du fonctionnement cérébral (chaque fonction cérébrale
correspond à une aire particulière) qu'à l'approche
connexionniste (le cerveau fonctionne de façon globale).
Encore une fois,
cet élément sémiologique n'appartient qu'à
ceux qui ont une parfaite connaissance nosographique.
La douleur
comme élément sémiologique
L'inflammation et
l'hypertension cérébrale accompagnent souvent ces lésions
focales du cerveau. La douleur qui en résulte s'installe progressivement
et induit des modifications comportementales qui seront elles progressives
et peuvent masquer des changements brutaux. L'utilisation d'antalgiques
puissants est alors d'un grand secours. Ces cas comme bien d'autres d'ailleurs,
soulignent l'importance de l'utilisation d'antalgiques dans la médication
de l'animal vieillissant.
Tumeurs, hémorragie, ischémie ?
Ces trois affections
différentes vont, sur le plan clinique être très semblables
en de nombreux points. L'étude de l'évolution sera souvent
le seul moyen simple dont dispose le clinicien pour établir son
diagnostic.
Les tumeurs, apparaissent
plus tard dans la vie de l'animal (mais ce critère ne peut être
absolu) et donne une évolution défavorable sur le plan clinique.
Une amélioration passagère peu s'observer avec des anti-inflammatoires
(diminution de volume).
Les zones de nécrose
complètes vont, à l'inverse, donner des tableaux cliniques
évoluant vers une amélioration. L'installation se fait rapidement
et l'on parle d'apoplexie et l'amplitude maximale des troubles est atteinte
en 24 à 72 heures.
Dans tous les cas,
un diagnostic par imagerie est souhaitable. L'image des infarcissements
est évolutive dans le temps. La densité maximale apparaît
vers 3 à 5 jours sur les scanners sans produit de contraste; la
zone lésée est alors marquée par une hypervascularisation
visible, avec les produits iodés, aux environ de 1 à 2 semaines
après l'accident. L'ensemble des lésions disparaît
en trois semaines. Une cavitation apparaît plus tard vers la 5 semaines,
traduisant alors la nécrose.
Traitement
En cas de tumeur le
traitement reste peu accessible à la médecine vétérinaire.
Les AVC et AIT sont
susceptibles d'être pris en charge rapidement. Dans un premier temps
une intervention en urgence avec de la méthyl prednisolone (Solumedrol
*) à la dose de 30 mg/kg entretenu par une perfusion délivrant
6 mg/kg par heure pendant 24 heures va permettre de lutter contre l'extension
de la lésion consécutive à la production de radicaux
libres.
Après cette
première urgence, l'intervention ne justifie plus de dose massive
de cortisone et une dose de 0,3 à 0,5 mg/kg de prednisolone semble
suffire pour les huit jours suivant. Quand l'animal nous est présenté
tardivement, (délai supérieur à 20 heures), le protocole
d'intervention massive avec la méthyl prednisolone ne se justifie
plus.
L'utilisation de
mannitol est discutable car il peut aggraver les conséquences d'une
hémorragie. En revanche après 12 heures, l'utilisation de
diurétiques pour diminuer la pression intracrânienne semble
bénéfique.
Une deuxième
partie de l'intervention thérapeutique consiste à éliminer
les causes des troubles vasculaires. Le praticien ne peut guère
intervenir que sur les vasculites et les dysendocrinies. Pour les chats,
la prévention d'embolies lors d'affections cardiaques importantes
fait appel à des anti aggrégants (acide acétyl salicylique).
Clinique des dysfonctionnement cognitifs
La clinique des troubles cognitifs
est connue et il n'y a pas, semble t-il de nouveauté en ce domaine.
En revanche c'est sans doute dans les liens entre émotions et cognitions
que le clinicien trouvera le plus d'éléments nouveaux.
Troubles de
l'apprentissage
La perte d'apprentissage
est un des motifs de plainte des propriétaires de vieux chiens.
La perte de la notion de propreté étant sans doute le plus
fréquent car il s'agit de l'apprentissage sans doute le plus précieux.
Il est difficile de
distinguer dans cette perte d'apprentissage ce qui correspond réellement
à un déficit mémoriel et ce qui correspond à
une perte de la motivation à produire des séquences apprises.
Le conflit de motivation
et la mise en balance des intérêts par rapport aux inconvénients
doivent être une préoccupation constante du clinicien. Pour
l'animal âgé, les modifications physiques sont souvent responsables
de bon nombre de perte de motivation et de non production de séquences
pourtant connues et mémorisées. L'utilisation d'antalgiques
par exemple, peut redonner à un animal le courage de s'éloigner
pour ses besoins sans que ces molécules n'aient un quelconque effet
sur la mémoire.
Ces pertes d'apprentissage
peuvent en revanche dans certains cas être purement des troubles
cognitifs. C'est le cas par exemple de la désorganisation des séquences
comportementales de base (chien qui grogne après morsure).
Troubles relationnels
Parmi les signes caractéristiques
de désordres cognitifs on observera des troubles relationnels.
Encore une fois ici il est délicat de trancher et d'affirmer que
les changements observés sont uniquement d'origine cognitive. L'humeur
et la motivation sont souvent aussi impliquées dans les modifications
observées.
Il est parfois possible de voir que le chien reconnaît des personnes
mais se trompe de réaction à leur sujet. Certains chiens
qui ont longtemps détesté les vétérinaires
peuvent nous faire un accueil chaleureux par exemple et grogner sur leurs
propriétaires!
Désorientation
spatio temporelle
Si les pertes de repères
dans l'espace sont souvent citées car très caractéristiques
de ces dysfonctionnement cognitifs chez l'homme, ils sont au moins aussi
fréquents que les désorientation temporelles. Chez l'homme
la compensation par la pendule est facile. L'étude des courbes
de production de la mélatonine est parlante.
Signalons à
ce sujet que tous les IRSS n'ont pas la même efficacité sur
cette molécule, indépendamment de leur pouvoir de recapture
et de leur spécificité.
Les perturbations
du rythme circadien ont été largement étudiées
chez les personnes âgées et il ne ressort pas actuellement
de ces études des possibilités thérapeutiques
précises.
Les désorientations spatiales sont à mettre pour la
plupart sur le compte des troubles mnésiques. Dans l'hippocampe
du rat comme chez les primates on trouve des cellules spécialisées
dans la mémoire spatiale. Ces cellules qui s'activent quand
l'animal est dans un univers connu forment ensemble des espèces
de cartes qui seraient un substrat de la mémoire spatiale.
Ces réseaux constituent un bon exemple de ce qu'est la plasticité
synaptique et sont dépendants pour leur formation de la LTP.
Il est intéressant de constater que chez le rat âgé
ces cellules fonctionnent normalement tant que ce dernier vit dans
un univers connu mais que si l'animal est délocalisé,
il est alors incapable de recréer une nouvelle carte spatiale.
Cliniquement nos vieux chiens expriment eux aussi leur désorientation
fréquemment à l'occasion d'un déménagement.
La mélatonine
est une hormone qui renformce les rythmes circadiens. Sa concentration
dans le sang décline avec l'âge et, par ailleurs, varie
au long de l'année. Mais bien que la production de mélatonine
soit inhibée par la lumière, ce n'est pas pendant
l'hiver que sa sécrétion est la plus forte.
Clinique
des troubles de l'humeur et de la motivation
C'est
volontairement que ces deux processus ont été regroupés
car il est vraiment difficile de savoir ce qui revient à l'un ou
à l'autre.
Remarquons également
que la description des troubles de l'humeur chez le vieux chien a longtemps
été une particularité de l'école française
qui est encore la seule à accepter sans réticence la possibilité
d'une dépression chez nos carnivores.
Il faut également
souligner que ces troubles de l'humeur, décrit chez l'homme bien
sûr, correspondent pour les médecins spécialisés,
à une difficulté diagnostique. Les humeurs dépressives
engendrent également des troubles cognitifs qui sont difficiles
à distinguer des troubles précédemment décrits.
Le dépressif connaît aussi des pertes de mémoire de
travail (par baisse d'attention et de motivation). Le dépressif
est peu capable de se concentrer et il se perd en chemin. Il oublie l'objectif
qui l'a mis en route car en fait rien n'est important pour lui.
En dehors de la dépression,
il existe de façon fréquente chez l'individu qui vieillit
une baisse de la motivation. Pour être précis, et en acceptant
le modèle dans lequel la motivation est scindée en activation
non spécifique puis orientation par apprentissage (arousal theory
et notion de drive), le sujet connaît une baisse de l'activation.
Les perceptions sont alors filtrées et ne provoquent plus de réaction
(absence de perception de deuxième niveau (J Proust)). L'animal
semble alors devenir sourd, aveugle, anosmique, car il ne répond
plus aux stimulations habituelles. Pour ces mêmes raisons, ses relations
sociales se diluent car ils n'anticipent plus le plaisir provoqué
par ses proches.
Cette démotivation
est sans doute la raison qui confère à toutes les molécules
excitatrices leur intérêt thérapeutique. Le succès
de la propentofylline est sans doute plus dépendant de ses capacités
activatrices que d'une réelle amélioration du débit
sanguin.
Ces troubles de la motivation aboutissent à la promotion de certaines
activités qui deviennent alors de véritables obsessions.
Chez l'individu vieillissant, les activités génétiquement
sélectionnées et les apprentissages très précoces,
se désactivent en dernier. Les travers du personnage ressortent
car ils s'expriment de façon isolée dans un tableau d'inactivité
et qu'ils deviennent la seule possibilité d'évacuer l'activation
(il n'existe plus de drives variables résultat des apprentissages).
Il n'est pas rare d'observer alors des comportements très caractéristiques
d'une race ou d'une famille (cocker boulimique par exemple, pyrénéen
lécheur...)
Aux troubles de l'humeur
s'associent des troubles du sommeil. Nos connaissances actuelles sur le
sommeil du chien sont discutables et il est difficile de reconnaître
avec précision telle ou telle anomalie du sommeil. Ce que nous
observons de façon indiscutable ce sont des anxiétés
hypnagogiques, des réveils en sursaut et des perturbations de la
quantité du sommeil.
Un certain nombre
de ces anomalies sont sans doute à relier aux perturbations endocriniennes.
La mélatonine joue probablement un rôle.
Comme dans les troubles
dépressifs, ces troubles du sommeil s'accompagnent d'irrégularité
de l'appétit.
Les troubles de l'humeur
sont aussi marqués par des bouffées anxieuses qui poussent
le chien dans un hyperattachement secondaire parfois spectaculaire. Ces
poussées d'hyperattachement ont conduit Pageat à décrire
l'hyperattachement de l'adulte.
Cet état dépressif
lié au vieillissement peut bien sur être bipolaire. On observera
alors des alternances de phases productives et de phases inhibées.
Les phases productives seront marquées par l'irritabilité
et la production de comportements relativement incohérents, consécutifs
aux désordres cognitifs. On peut se demander si ces variations
de l'activité ne sont pas le simple reflet de variation de l'activation
cérébrale, avec des phases de suractivation qui correspondraient
à une poussée anxieuse et des phases de démotivation
complète qui laisseraient le chien complètement indifférent
à son milieu (hypothèse personnelle).
Involution
L'addition de troubles
cognitifs, de troubles de l'humeur et de démotivation aboutit à
une dégradation comportementale complète que l'on nomme
involution. Les aptitudes comportementales retrouvent leur niveau d'enfance
mais en fait il s'agit d'une ressemblance relative. La propreté
disparaît pour faire place à de l'énurésie,
l'exploration est remplacée par une pseudo exploration inefficace
qui s'accompagne de mâchonnement, les peurs du jeune âge réapparaissent,
la capacité à rester seul diminue...
Appeler cette évolution
une involution correspond à un manque de finesse dans l'observation.
L'exploration orale du chiot n'a rien à voir avec les dyskinésies,
l'attachement primaire n'est pas comparable à la dépendance,
l'énurésie ne ressemble pas à la malpropreté
du chiot.
Clinique des dysfonctionnements endocriniens
De très nombreuses
hormones vont intervenir dans le vieillissement comportemental et cérébral.
En fait, les différentes dysendocrinies vont alourdir (ou peut
être provoquer) les troubles de l'humeur, la baisse de motivation
et une partie au moins, des troubles cognitifs. Par ailleurs ces hormones
ont pour la plupart un rôle dans le fonctionnement microscopique
du cerveau: vascularisation, contrôle des récepteurs, synaptogénèse...
et sont soumises à des contrôles neuronaux et par les neuromédiateurs.
Il existe peu de données
cliniques particulières concernant ces troubles endocriniens. En
médecine vétérinaire nous pouvons décrire
les troubles thyroïdiens et les troubles du cortisol.
Les hypothyroïdies
relatives semblent de façon assez constantes pouvoir se marquer
cliniquement par des bouffés d'anxiété qui rendent
le chien incapable de rester seul notamment le soir. Il s'observe alors
de véritables crises vespérales durant les quelles le chien
est capable de déployer une énergie considérable
pour rejoindre ses maîtres. Leur contact ne suffit généralement
pas à apaiser l'anxiété.
Les troubles du cortisol
sont souvent moins spectaculaires. La clinique est marquée par
l'aspect général. Sur le plan cérébral, ce
sont surtout les troubles cognitifs qui seront marqués encore que
l'humeur ne résiste pas bien non plus à l'élévation
du cortisol.
Il semble qu'il faille distinguer un hypercorticisme simple, résultats
sans doute de désordres de la régulation dopaminergique
et le véritable syndrome de Cushing (qui intervient sur des animaux
plus jeunes semble t-il).
Les estrogènes
interviennent certainement mais notre problème est différent
de celui des médecins qui doivent affronter la ménopause
(de leurs clientes). Il semblerait qu'outre leur rôle de protecteurs
membranaires, les estrogènes soient incriminés dans le fonctionnement
des récepteurs NMDA responsables de la LTP (mémorisation).
La testostérone
intervient également, au moins comme régulateur de la motivation.
Diagnostic des troubles liés au vieillissement
Sénescence et maladie dégénérative
"Deux idées
fausses sont répandues. Tout d'abord, notre cerveau perdrait un
nombre important de neurones au cours du vieillissement normal. Ensuite,
cela expliquerait les troubles de mémoire qui apparaissent avec
l'âge. Or une mort cellulaire étendue ne survient que dans
les démences neurodégénératives comme la maladie
d'Alzheimer. Dans le vieillissement normal, il s'agit plutôt du
changement des propriétés des neurones." (J Morrison
et P Hof, La recherche N°322)
(A) Le cortex
entorhinal réunit des informations en provenance de nombreuses
zones du cortex. Il forme une sorte d'entonnoir dans lequel passent
les données avant d'aller rejoindre l'hippocampe (B). L'information
en provenance du cortex entorhinal arrive dans l'hippocampe, par
le gyrus denté, via la voie perforante (VP). De là,
elle repart vers CA3, CA1 puis vers le subiculum (SUB), pour ressortir
par où elle est arrivée.
Représentation
schématique des lésions cérébrales dans
la maladie d'Alhzeimer. Différentes parties du cortex avec
ses six couches (numérotées de I à VI) et de
l'hippocampe sont atteintes par la maladie d'Alzheimer. Les petits
signes jaunes représentent une évaluation du nombre
de dégénrescences neurofibrillaires, tandis que la
diminution de la taille de certains rectangles reflète l'atrophie
des zones représentées.
Chez l'homme les
maladies dégénératives frappent de façon plus
ou moins sélective certaines régions cérébrales.
La maladie de Parkinson frappe et détruit les neurones de la substance
noire, la maladie d'Alzheimer frappe en priorité certaines zone
corticales et surtout les zones associatives qui transfèrent l'information
vers l'hippocampe et le cortex entorhinal (voie performante).
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En dehors de ces
morts neuronales localisées, la maladie se caractérise par
l'apparition de plaques qui correspondent à des dépôts
de protéines insolubles (la protéine bêta amyloïde
serait une protéine proche de la SOD) et par des dégénérescences
neurofibrillaires (la protéine Tau acquiert une structure anormale
et provoque l'apparition d'amas neurofibrillaires). Ces anomalies existent
dans le vieillissement normal mais de façon exceptionnelle. (Il
n'a pas été mis en évidence de dégénérescences
neurofibrillaires chez le chien).
Par ailleurs, ni
chez l'homme ni chez le chien (cf M. Coll pour le chien) il n'est possible
de corréler les lésions visibles et les troubles cliniques.
Le vieillissement
cérébral normal serait plutôt la conséquence
de changements qualitatifs. On observe une diminution du nombre des connexions
entre les neurones et la plasticité synaptique (PLT)
Il reste donc un important
travail à effectuer en médecine vétérinaire.
Nous ne savons pas encore distinguer cliniquement un vieillissement normal
d'un vieillissement pathologique et nous ne possédons pas de critères
de mesure permettant d'accéder à cette distinction.
Syndrome confusionnel
En médecine
vétérinaire on caractérise deux types de vieillissement
pathologique: le syndrome confusionnel et la dépression d'involution.
Il n'a pas été établi, à ce jour, d'échelle
permettant de distinguer un très vieux chien normal d'un jeune
chien atteint de maladie dégénérative. Il existe
très peu de publications faisant état de recherches cliniques
et tentant de mettre au point des questionnaires diagnostiques pour le
chien vivant.
Déjà
en médecine humaine le diagnostic de démence sénile
repose encore (pour un diagnostic de certitude) sur l'examen histologique
du cerveau.
Sous le terme syndrome
confusionnel seront groupées toutes les affections (ou dégénérescence
avancées) se traduisant principalement par une activité
normale mais désorganisée.
Parmi les affections pouvant conduire à ce diagnostic il est probable
que l'on finisse par trouver des modèles de la maladie d'Alzheimer,
des modèles de la dégénérescence fronto temporale,
et de la maladie à corps de Lewy.
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Dépression d'involution
La dépression
d'involution est une affection décrite uniquement par l'école
française. Il s'agit d'une description clinique mettant en évidence
les troubles de l'humeur associés au maladie dégénératives
ou plus simplement au vieillissement.
La prise en compte des troubles de l'humeur autorise à inclure
des syndromes dépressifs sévères et des dysendocrinies
spécifiques du vieil animal dans les troubles du vieillissement.
Nous avons déjà
souligné que la composante dépressive et anxieuse n'exclut
en rien la composante cognitive.
Chez l'homme également il est décrit des dépressions
du vieillard mais, en dépit des difficultés pour guérir
ces malades, la recherche médicale semble beaucoup moins attirée
par ce domaine.
Etiopathogénie
du vieillissement cérébral
Neurotransmetteurs
Il existe un lien
entre le fonctionnement des synapses et l'activité comportementale.
Le rôle des neurotransmetteurs est évident et on peut imaginer
qu'une partie du vieillissement est du à une diminution de la neurotransmission
et également à une mauvaise efficacité des neurotransmetteurs.
Cliniquement les troubles liés à des perturbations de la
neurotransmission expliquent les anomalies motrices, les troubles de l'humeur,
les anomalies mnésiques et la perte de motivation. Un certain nombre
de dysendocrinies peuvent en être la conséquence.
Catécholamines
(dopa, adrénaline, noradrénaline)
Il n'y a pas de diminution
du nombre des neurones dopaminergiques dans le cerveau vieillissant. En
revanche on observe une chute du taux de dopamine striatale. Les conséquences
sont les symptômes de la maladie de Parkinson (akinésie,
tremblements, perte d'adaptabilité comportementale).
La dopamine intervient également en régulateur de la sécrétion
de CRH (surtout chez le chien).
De la même façon l'effondrement du système noradrénergique
intervient dans les troubles cognitifs associés à la maladie
de Parkinson. Les jonctions noradrénergiques sont aussi responsables
de l'activation cérébrale non spécifique notamment
au niveau du locus coeruleus (motivation).
Système cholinergique
Il semble que ce système
ne soit altéré que dans les démences type Alzheimer
et Parkinson. Cette altération aurait un effet plutôt cognitif.
Sérotonine
Au cours du vieillissement
normal les taux de sérotonine restent stables semble t il mais
une altération de ce système est décrit dans les
troubles de l'humeur et ce neurotransmetteur est impliqué dans
les phénomènes de mémorisation.
Le glutamate
Ce neurotransmetteur
est responsable de la LTP entre autre. L'altération de ce
neurotransmetteur est sans doute un des grands mécanismes
du vieillissement cérébral. Le glutamate est présent
dans toutes les zones du cerveau. Son efficacité en tant
que stimulation générale de l'activité cellulaire.
En revanche une suractivité glutamatergique entraîne
la mort cellulaire.
Télomérase
Le vieillissement
cellulaire serait en partie conditionné par la perte progressive
des extrémités des chromosomes, les télomères.
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Une surexcitation
catastrophique pourrait théoriqement conduire à un
excès de calcium dans le neurone - à cause de l'ouverture
dangereuse des canaux calciques par le glutamate - que non seulement
la dendrite est détruite mais aussi tout le neurone. Ce scénario
est l'un de ceux où le neurone est excité à
mort. L'excitocité est l'hypothèse majeure actuelleme
tpour expliquer le mécanisme de mort neuronale dans les troubles
dégénératifs, parmi lesquels on compte la schizophrine,
la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose
latérale amyotrophique et les lésions cellulaires
ischémiques survenant au cours d'un accident vasculaire cérébral.
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Radicaux libres
Le métabolisme
cellulaire d'une part et les phénomènes d'apoptose entraînent
la libération de radicaux libres. Le fonctionnement synaptique
se fait également avec libération de radicaux H° dans
la fente synaptique. Plusieurs mécanismes permettent de limiter
la prolifération de ces radicaux :
- La superoxyde
dismutase
- La vitamine C
- La vitamine E
- Le sélénium
cofacteur de la glutathion oxydase (au même titre que d'autres
métaux qui servent de catalyseurs de réaction).
Le vieillissement
entraîne la libération et l'accumulation de ces radicaux
libres. Un déficit en SOD dans le cerveau vieillissant a été
montré.
Certains aliments,
enrichis en vitamine E et sélénium ont montré une
efficacité clinique et un diminution des symptômes du vieillissement.
Une étude récente
produite par Purina montre que la diminution métabolique consécutive
à une nutrition modérée allonge la durée de
vie. Une différence significative de 1,8 ans à été
observée sur deux groupes de labradors dont l'un est nourri en
excès et l'autre normalement. Ces résultats avaient déjà
été mis en évidence dans d'autres espèces.
La diminution de la production de radicaux libres est l'explication classiquement
retenue pour cet allongement de la durée de vie.
Inflammation
De nombreuses études
semblent montrer que les anti inflammatoires jouent un rôle préventif
du vieillissement cérébral. Chez l'homme, leur rôle
dans la prévention des risques vasculaires est connu et l'effet
antiagrégant de l'aspirine est utilisé depuis longtemps.
Des études ont montré indépendamment de cet effet
que les anti inflammatoires non stéroïdiens dépourvu
d'effet antiagrégants combattaient également efficacement
le vieillissement cérébral.
Cet effet est peut être lié à un effet protecteur
de la membrane plasmique. Le vieillissement membranaire est en effet un
des processus du vieillissement. Il entraîne une perte d'activité
cellulaire (perte activité enzymatique, perte de la plasticité
des récepteurs)
Traitements
Thérapie
- Relance de la
motivation (arrêt de punition, thérapie par le jeu gagnant)
- Réintégration
sociale
- Maintient au maximum
des activités
Chimiothérapie
- Sélégiline
- Antidépresseurs
dont fluoxétine
- Restauration endocrinologique
thyroïde et cortisol
- Propentofylline
- Tacrine et autres
médicaments humains
Tacrine
La tacrine
ou 9 amino-1,2,3,4-tétrahydroacridine, qui s'administre
par voie buccale et pénètre bien dans le cerveau,
est utilisée dans le traitement de la maladie d'Alzheimer.
Elle a été proposée comme antiseptique
puis comme antagoniste de la dépression respiratoire
morphinique avant d'être utilisée dans le traitement
de la maladie d'Alzheimer dont elle atténue certains
symptômes. Son efficacité, même si elle
ne guérit pas la maladie, a été confirmée
par plusieurs études.
Elle provoque
divers effets indésirables de type muscarinique, mais
son inconvénient majeur est sa toxicité hépatique
qui se traduit habituellement par une élévation
des transaminases. Si cette élévation dépasse
cinq fois la normale, le traitement par la tacrine doit être
interrompu pour éviter le développement d'une
hépatite grave. Un métabolite de la tacrine
serait responsable de cette toxicité hépatique.
Tacrine
COGNEX* Gélules 10, 20, 30 et 40 mg
Donépézil
Le donépézil
est un inhibiteur sélectif et réversible de
l'acétylcholinestérase, ayant peu d'effet sur
la butyril-cholinestérase et pénétrant
bien dans le cerveau. Sa demi-vie d'élimination plasmatique
est de l'ordre de 70 heures et une seule prise quotidienne
suffit. Le donépézil est indiqué dans
le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer.
Donépézil ARICEPT* Cp 5 et 10 mg
Les effets
indésirables les plus fréquents du donépézil
sont des troubles digestifs (diarrhées, nausées,
vomissements, douleurs abdominales). Il peut également
être à l'origine de vertiges et de bradycardie
mais il paraît dépourvu de toxicité hépatique,
inconvénient majeur de la tacrine.
Des vaccinations à l'essai ont pour le moment échoué.
Certains chercheurs pensent que ces vaccins qui provoquent l'apparition
d'anticorps anti protéine bêta amyloïde (il s'agit de
cette protéine qui constitue les fameuses plaques séniles),
s'attaquent en fait à une des conséquences de la maladie
et non à sa cause. Selon certains il s'agirait même d'un
élément protecteur (voir recherche de A Bush sur clioquinol*).
" Cette protéine représente environ 1% du total des
protéines du cerveau, il est donc improbable que Dieu l'ait mise
là uniquement pour causer la maladie d'Alzheimer"
Le clioquinol est
un vieil antibiotique dont les effets indésirables redoutables
ont entraîné le rejet. Cette molécule aurait la propriété
de fixer les ions métalliques Cu et Zn en excès qui sont
responsable de la précipitation de la protéine bêta
amyloïde.
Prévention
- Sélénium
- AINS
- Rationnement
- Correction hypothyroïdie
et cortisolémie
- Correction de
l'hypertension
Conclusion
La médecine vétérinaire
a encore bien du travail. Le plus urgent pour nous est d'essayer ce qui
distingue le vieillissement normal du vieillissement pathologique.
Annexes
(Génétique
& Vieillissement (2)
Aspects Théoriques et Mécanismes de la Sénescence par le Dr. Jacques TRÉTON )
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